Dans cette entrevue, nous donnons la parole à Morgan Guitton, vice-présidente programmes chez Cycle Momentum. En poste depuis 5 ans, elle a participé à l’évolution des différents programmes d’accompagnement d’entreprises en démarrage offerts par Cycle Momentum. Elle nous partage les bons coups des programmes et l’engagement de Cycle Momentum envers les entrepreneur·e·s.
Par Morgan Guitton, V-P Programmes chez Cycle Momentum – Thibault Beudin, Chargé de communication chez Cycle Momentum & Rayan Mebtoul, Stagiaire en marketing, événementiel et communication chez Cycle Momentum.
TU ES VICE-PRÉSIDENT PROGRAMMES, PEUX-TU NOUS EN DIRE PLUS SUR TON RÔLE?
Bien sûr! C’est simple, je suis responsable de l’équipe qui gère les programmes. En effet, lorsque je suis arrivée chez Cycle Momentum, nous roulions principalement deux cohortes par année du programme d’accélération en technologies propres et j’étais en charge du bon déroulement de celles-ci. L’accélérateur a été fondé par Cycle Capital, un acteur de premier plan dans le capital de risque en technologies propres. À l’époque, ils avaient identifié un vide dans l’écosystème canadien, au niveau du soutien aux entreprises en phase de démarrage et de leur financement. L’objectif était clair : accroître le nombre de start-up cleantech au Canada, améliorer la qualité et la réussite des projets et devenir une source privilégiée d’entreprise de qualité pour les investisseur·e·s en capital de risque.
Ce même objectif nous anime toujours et c’est pour cela que depuis les 5 dernières années, en collaboration avec des partenaires externes, tel que la Zone Agtech, Hydro-Québec, le Circular Innovation Fund, Cascades ou Esplanade Québec nous avons ajouté des cordes à notre arc en offrant des programmes thématiques (Agtech, économie circulaire, emballages durables, décarbonation…), des opportunités de collaboration avec de plus grandes entreprises et des opportunités de financement via le programme Origo et le Cercle des Fonds Partenaires et, plus récemment le programme de création d’entreprise Lab-à-Startup qui accélère le passage des technologies propres du laboratoire au marché. Donc d’une personne en charge d’un programme, nous sommes passés à une équipe de 5 employés et d’une trentaine d’expert·e·s et mentor·e·s et entrepreneur·e·s responsable d’une offre bien plus riche, qui couvre toute l’échelle de maturité des start-up en technologies climatiques.
CONCENTRONS-NOUS SUR LES PROGRAMMES D’ACCÉLÉRATION, COMMENT CELA FONCTIONNE-T-IL EXACTEMENT?
Nos programmes durent quatre mois et sont organisés en cohortes d’un petit groupe d’entrepreneur·e·s sélectionné.es à travers un processus rigoureux. Ils reçoivent un accompagnement personnalisé via des ateliers ciblés, du mentorat, du coaching, et bénéficient d’un environnement collaboratif avec d’autres entrepreneur·e·s, des expert·e·s en résidence et des partenaires. Ils se concluent souvent par une présentation devant des investisseurs. L’idée est d’aider les jeunes entreprises à franchir un cap rapidement, à se structurer et à devenir « finançables ». C’est aussi un espace d’entraide entre pairs, ce qui est très puissant.
EN QUOI LES TECHNOLOGIES PROPRES OU LES TECHNOLOGIES CLIMATIQUES SONT PLUS COMPLEXES À METTRE EN MARCHÉ?
Elles sont plus complexes à mettre en marché car, dans la plupart des cas, elles demandent un certain temps de maturation et un certain capital en infrastructure (CAPEX) et, donc, des modèles d’affaires adaptés. C’est justement pour cela que l’on existe : nous aidons les entrepreneur·e·s à traduire leur innovation en valeur économique et environnementale. Nous les préparons à lever des fonds, à rencontrer leurs premiers clients, et à concrétiser leur vision dans un cadre réaliste et structuré.
Je dirais que notre force est de les amener à repenser le développement de leur entreprise en se basant sur une roadmap de développement commercial soutenue par le feedback de clients et non pas sur le développement de la technologie, ni sur la nécessité, irréaliste, de trouver 1 ou 5 ou 10 millions pour bâtir leur premier usine.
ET COMMENT FAITES-VOUS CELA ?
Notre première question pour un entrepreneur est souvent de lui demander : sais-tu ce qui empêche de dormir ton client ? Parce que c’est ça, le problème à résoudre.
Une grande partie des entrepreneur·e·s en technologies climatiques sont de brillants scientifiques qui ont mis au point une solution fantastique pour résoudre un problème majeur. Leur défi est souvent de voir au-delà des forces de leur technologie et de formuler une proposition de valeur solide basée sur les bénéfices mesurables pour leurs clients. Ces bénéfices doivent être environnementaux, cela va sans dire, mais ils doivent aussi avoir du sens sur le plan économique.
C’est là que nos expert·e·s interviennent auprès des entrepreneur·e·s pour les amener à formuler ces bénéfices de manière structurée, monter un cas d’affaire pour un client et démontrer de manière chiffrée en quoi le produit offert va résoudre son problème. Nous sommes aussi là pour les aider à se mettre dans la peau des clients, en se basant sur l’écoute de ces derniers pour comprendre les réticences de ceux-ci vis-à-vis de la technologie et comprendre comment y répondre progressivement et ainsi dérisquer l’adoption de la technologie. Et à partir de là, nous les aidons à bâtir un plan de mise en marché réaliste basé sur des jalons techniques ou opérationnels pertinents pour les clients. C’est vraiment notre premier champ d’intervention. J’ai en tête plusieurs cas où un expert s’est assis avec un entrepreneur pour passer des appels avec des clients pour outiller celui-ci à savoir comment présenter l’entreprise, mais surtout comment faire parler son interlocuteur pour bien cerner ses enjeux et ainsi retirer l’information nécessaire à une bonne proposition.
Une fois cette stratégie commerciale clarifiée, dans l’optique d’aller chercher du financement par capital de risque, il est nécessaire pour une start-up faire ressortir la solidité de son “unit economics”, cad démontrer que le projet d’entreprise est rentable en analysant les revenus et les coûts associés à chaque produit ou client. C’est difficile pour tout entrepreneur technologique de monter un modèle solide, ça l’est encore plus dans un domaine à fort CAPEX. Et puis, pour rassurer les investisseurs, comme l’avaient évoqué mes collègues d’Origo, il faut bâtir un plan de financement aligné avec le plan de commercialisation. Ce que les investisseurs veulent voir, c’est comment chaque levée de fonds va permettre l’atteinte de jalons commerciaux et donc dérisquer le projet.
TU AS PARLÉ DE PROGRAMMES THÉMATIQUES, PEUX-TU ÉLABORER?
Historiquement, les technologies propres étaient un secteur en soi, c’était donc, dès le départ, une offre spécialisée qui était offerte par Cycle Momentum. Depuis, des sous-secteurs ont émergés avec des besoins très spécifiques, c’est pour cela que nous avons lancé plusieurs programmes thématiques dans lesquels les entrepreneur·e·s peuvent échanger autour d’enjeux communs : les défis de mise à l’échelle dans le cas du programme en décarbonation, l’arrimage entre les jalons et la saisonnalité en Agtech… Cela nous permet aussi d’interpeller des partenaires et des industriels pour participer au programme.
ET C’EST TOUT?
Bien sûr que non, c’est aussi un accompagnement sur le plan humain. Tout entrepreneur est une personne passionnée qui rêve en grand et qui, souvent, porte son projet à bout de bras et, parfois, envers et contre tous. C’est probablement encore plus vrai dans notre secteur où l’urgence d’agir nous est constamment rappelée, mais où les barrières sont plus nombreuses et plus hautes que dans d’autres domaines. C’est donc très important pour nous de nous assurer que l’on est aussi présent pour les entrepreneur·e·s en tant que personne – car effectivement, nous accélérons des entreprises, mais nous soutenons surtout des entrepreneur·e·s à travers cette aventure et c’est pour cela, qu’en parallèle des ateliers et séances de travail, chaque entrepreneur est associé avec un entrepreneur d’expérience avec qui discuter, affaires, si c’est le sujet de l’heure, mais aussi la gestion d’équipe, relation avec les cofondateurs, équilibre vie personnelle-vie professionnelle, stress généré par une situation particulière qui prend toute la place. Bref, d’humain à humain qui est passé par là. Dans plusieurs cas, les relations entre mentor·e et mentore·e ont perduré au-delà du programme, inutile de dire que nous sommes très fiers d’avoir provoqué ces belles rencontres. On se plait à dire que nos programmes sont pour des entrepreneurs, par des entrepreneurs.
DES PISTES D’AMÉLIORATION?
Il y en a plein! Mais le principal ajout que je souhaite faire aux programmes d’accélération est de pouvoir intégrer systématiquement plusieurs industriels de manière formelle. Ils viendraient présenter leurs enjeux, échanger avec les entrepreneur·e·s autour des solutions proposées et donner du feedback ainsi que des pistes de travail.
UN MOT DE LA FIN?
Oui, on dit toujours que cela prend un village pour élever un être humain. Cela prend aussi un village pour lancer une entreprise, c’est pourquoi je suis ravie du rôle que Cycle Momentum joue auprès des entrepreneur·e·s avec les mentor·e·s, les expert·e·s, les partenaires et les gestionnaires de programmes qui font un travail formidable à coordonner le tout et s’assurer du bon déroulement du programme. C’est le succès des entrepreneurs qui fait le nôtre! Je suis tellement heureuse lorsque je reçois un message d’un entrepreneur qui vient de signer un client, que je vois passer l’annonce d’un financement ou lorsqu’un mentor m’apprend qu’il embarque dans la start-up avec laquelle nous l’avions associé.